Qui touche à mon corps je le tue - Valentine Goby

Lucie L. est seule avec sa douleur, elle a mal dans sa chair et dans ces mots, sa chair, c'est le premier, sa, qui compte le plus. Qui peut prendre sa douleur? Qui peut prendre sa chair?

Lucie, Marie, Henri. Trois personnages, qui, s'ils étaient un signe de ponctuation seraient le point final. Celui qui met un terme définitif à une histoire, à ce qui existe. 

Nous sommes en 1943 et Lucie a décidé d’arrêter sa  grossesse. Cet enfant, elle ne le désire pas, elle veut avorter mais c'est interdit. Qu'importe, elle a choisi. Le bouche à oreille la mène à Marie, celle qui place des sondes dans l'utérus des femmes. Elle ne pose aucune question, les gestes sont mécaniques, le contact distant, la rencontre furtive. Parfois en plus de l'argent qu'elle demande, on lui offre des cadeaux. Elle a reçu un très joli phonographe d'un couple qui ne pouvait pas se permettre de rendre malheureux un enfant. Henri, lui, détient un permis de tuer, c'est le seul en France. Il est bourreau. Dans sa famille on fait tomber les têtes depuis des générations. La première fois qu'il en a fait tomber une, il a uriné dans son pantalon. Avant chaque exécution, il cherche son courage dans le fond des bouteilles d'alcool. Il a au bout des doigts la corde qui actionne la lame de la guillotine. La lettre qu'il a reçue ce matin-là est une ordonnance qui annonce l'exécution de Marie. 

Trois personnages seuls avec leur décision, leur souffrance, seuls dans leurs rôles, seuls à ressentir ce qui les transperce. Des personnages qui ne se connaissent pas mais qui vont se rencontrer à un moment intime de leur existence : quand tout s'arrête. 
Marie Louise Giraud est l'unique avorteuse guillotinée en France, c'était le 30 juillet 1943. Lucie est l’une des 27 femmes qui ont eu recours aux services de cette faiseuse d’anges et Henri, de son vrai nom Jules-Henri Desfourneaux fut exécuteur public de 1939 à 1951.
 

Bonne lecture ♥️
Gallimard, 2008.

138 pages.