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Je partage avec vous mon ivresse livresque car c'est dans les livres que j'effectue mes plus beaux voyages. Du classique, du contemporain, des oeuvres qui ont marqué, questionné ou bouleversé ma vie. En grande amoureuse d'art et de bonnes tables, profitons-en aussi pour échanger sur nos découvertes artistiques et culinaires. :-) Au plaisir de vous lire. Vanessa.

Les femmes sont occupées - Samira El Ayachi

Les femmes sont occupées - Samira El Ayachi

Le jour où deux amoureux se pointeront devant le notaire pour rédiger un accord contractuel sur la répartition des charges ménagères comme un apport en industrie à la SARL couple (on proposera plusieurs régimes de participation : 50/50 étant le régime classique ), réglant la question des torchons de la même manière que se règle la question de la propriété des murs, des voitures et du vase de grand-mère, alors l'assermenté fera la gueule mais l'humanité, elle, un pas de géante.

C'est un roman écrit la deuxième personne du singulier. Le regard qu'une femme porte sur sa nouvelle existence alors qu'elle vient de rompre avec son mari. Si on sait combien les femmes sont occupées, tout est décuplé lorsque la maman devient solo. 

Le roman raconte l'existence d'une femme, qui comme beaucoup, a des ambitions professionnelles, une vie sociale, des rêves, des projets et un enfant dont elle doit s'occuper maintenant seule. Pas le temps de faire le deuil de son histoire amoureuse, il faut avancer, pour soi-même et surtout pour ce petit bout dont l'existence a aussi été coupée de celle de son père. La tête dans le guidon, s'engouffrer dans un quotidien qui arrive sur vous comme un ouragan : les fins de mois difficiles, les problèmes de garde, les impératifs professionnels et les rendez-vous chez le juge qui mettront un point final à la relation amoureuse mais définiront une nouvelle organisation relationnelle. Charge mentale décuplée, fatigue, maman dépassée, femme disparue. 

Ce roman porte un regard très éclairé sur le poids qui pèse sur les femmes aujourd'hui, nous les femmes, qui souhaiterions vivre une maternité pleine et une vie professionnelle faite d'ambitions et de rêves mais voilà... lorsqu'on se sépare de l'homme, il faut tirer un trait sur une partie de cela. La justice n'aide pas, laisser l'enfant à la maman pour son bien. Le papa jouit d'un droit de visite mais n'effectue pas son devoir auprès de son fils, continue à s'épanouir professionnellement tandis que la maman tente en vain de tenir le rôle du père et de la mère alors qu'elle peine déjà à être une femme à part entière. "La justice est un homme", la justice est faite pour les divorcés pas pour les divorcées.

"Si seulement j’avais les moyens, la première chose que je ferais, c’est de le quitter. La hantise de la précarité, c’est bien connu, fait que chacun reste sage. Le système est en place. Tout baigne. Voilà pourquoi les mères célibataires ne sont pas aidées comme elles le devraient. Sinon, tout le pays divorcerait. Et puis il y a toutes les autres. Des millions que tu rencontres chaque jour au coin de ta rue, sous l’abribus, à la boulangerie, derrière le bureau, à saisir du texte, à répondre au téléphone, à servir le café dans l’ombre. La France entière, en somme. Elles t’impressionnent. Celles qui, bien qu’en couple, se retrouvent à tout porter sur leurs épaules. Assurent les repas, les courses, le ménage, les anniversaires, les vacances, les aspects administratifs, les pansements affectifs, font tourner la boutique – en plus de travailler et de continuer à faire rire les enfants. Tu ne savais pas que ça pouvait exister : des mères célibataires en couple. Et tu ne vois plus que ça autour de toi. Des mères célibataires en couple. Une pandémie qui touche tous les âges, toutes les nationalités, toutes les classes sociales. Le mari est là, comme un fantôme, qui fait l’homme en représentation. Assurant dehors. Les pieds à la traîne dedans. La femme reste car elle est conditionnée à rester. Le mari reste pour le pack femme à tout faire + enfants en forfait illimité. Tout le monde se prend en otage. Tout le monde joue à cache-cache. " 

C'est un roman engagé, pour le combat des femmes, dans la quintessence même du quotidien, celui qui n'est pas d'éblouir mais de vivre. Pouvoir rêver, être libre, s'épanouir, être heureuse... c'est par là aussi que passe le bonheur d'un enfant. J'aime ces romans qui s'attachent aux femmes sans différenciation d'âge, de milieu social, de lieu de vie. J'aime qu'on s'intéresse à ces anonymes si différents et dont le parcours comporte d'énormes similitudes. Merci de faire exister ce courage et ces femmes à travers l'écriture. 

(NB : J'ai trouvé cela très intéressant que le roman soit écrit à la deuxième personne du singulier, la femme passe au second plan et elle se retrouve seule... c'est brillant.)

Bonne lecture ♥ 

Editions de l'Aube, 2019.

(242 pages)

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