La Familia grande - Camille Kouchner

Il s'agit d'une autobiographie de Camille Kouchner et de sa famille composée, recomposée, décomposée. C'est aussi l'histoire de son frère Victor, qui ne prend à aucun moment la plume mais laisse parler la soeur des abus et viols que lui a infligés son beau-père Olivier Duhamel.

La mère Evelyne a refait sa vie avec cet homme, qu'elle positionne au-dessus de tout. Olivia appartient à l'intelligentia parisienne.  Le père Bernard, a lui aussi refait sa vie et mène ses activités aux quatre coins de la planète. Les enfants évoluent dans un clan où l'on aime débattre, se réunir, vivre libres. La maison de Sanary, dans le sud de la France, est le lieu parfait pour jouir de cette vie aisée à laquelle rien ne semble pouvoir faire entrave. Et d'ailleurs dans les choix de vie, les barrières entre les enfants et les adultes n'existent pas "La liberté implique de vivre comme les grands" (p.114) Les enfants peuvent prendre part aux débats politiques et aux conversations des adultes dès lors que les propos sont argumentés mais cela ne s'arrête pas là. Sous couvert de liberté, se déroule le pire : « certains des parents et enfants s'embrassent sur la bouche. Les copains draguent les nounous. Les jeunes sont offerts aux femmes plus âgées. » (p. 106)

Olivier Duhamel a violé Victor. Camille savait mais n'a rien dit, petite enfant qu'elle était, anesthésiée par la brutalité de ce que vivait son frère. Marie-France Pisier, la tante maternelle a su et a tenté à plusieurs reprises d'en alerter sa soeur Evelyne, qui fit la sourde oreille?  Pour Camille le suicide de sa tante, pourrait être lié à cette omerta étouffante autour de cet ogre protégé par son aura médiatique et intellectuelle. 

Camille écrit : "Pour moi, les années qui ont suivi ont été des années d'alerte permanente. Des années de dédoublement, de dissociation. Des années de violentes contradictions. La colère n'est pas venue tout de suite. L'incompréhension a subsisté longtemps, suivie du silence, pour un moment encore plus long." (p. 116)

Les ravages destructeurs d'un prédateur sur sa victime et sur les victimes collatérales. Camille enfant puis adolescente, terrifiée par ce beau-père qui la fige dans un état d'inertie totale. Il en faut du courage Camille, pour prendre la parole, il en faut du courage pour protéger grâce à ce livre ce frère victime, il en faut du courage pour être une seule voix qui fera tomber un géant. Il est là le courage. 

A Victor, à Camille. Et à toutes les autres victimes sur terre. 

Editions du seuil, 2021.

(204 pages)